Affaire Squarcini. François Ruffin questionne en appel un accord signé par LVMH avec la justice

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Publié le 10/05/2022 17:11:13

Le député de La France insoumise François Ruffin a questionné ce lundi 9 mai 2022 devant la cour d’appel de Paris la régularité des conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP), un accord prévu par la loi qui a permis à LVMH d’éviter des poursuites contre le paiement d’une amende de 10 millions d’euros dans le dossier Squarcini.

Le député insoumis François Ruffin s’est retrouvé lundi 9 mai devant la cour d’appel de Paris. La raison ? En décembre 2021, la justice avait validé un accord avec LVMH en échange d’une amende de 10 millions d’euros.

Validée, cette convention judiciaire d’intérêt public (CJIP*) permettait au groupe de luxe d’éviter des poursuites dans une enquête portant sur un système d’espionnage. Une affaire dans laquelle serait impliqué l’ancien patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini.

Six mois plus tard, le journaliste et député de la Somme s’est donc présenté en qualité de victime, contestant « le bien-fondé » de la procédure et souhaitant dénoncer une « justice complaisante aux intérêts des puissants », écrit Le Courrier Picard .

Depuis 2011, une enquête s’intéresse aux liens de l’ancien patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini, avec le privé et en particulier avec LVMH.

Une information judiciaire à tiroirs, qui révèle les liens troubles entre figures de la police, du renseignement et des intérêts privés, a été élargie en octobre 2019 après une plainte avec constitution de partie civile de François Ruffin et du journal Fakir, qu’il a fondé.

Ce dernier dénonçait la surveillance dont il avait fait l’objet « pendant près de trois ans » par Bernard Squarcini à la demande de LVMH, lors du tournage de Merci Patron, un film satirique réalisé sur le leader mondial du luxe. Le long-métrage avait été récompensé en 2017 par le César du meilleur documentaire.

Les deux victimes avaient formé des pourvois contre cette décision d’homologation, estimant la transaction trop favorable à LVMH sur le principe, et l’amende trop légère. Leurs demandes ont été balayées mi-février par la Cour de cassation qui a rappelé que l’homologation d’une CJIP n’est, selon le code de procédure pénale, « susceptible d’aucune voie de recours ».

Lors de l’audience de validation de la CJIP, François Ruffin avait appelé la juge à refuser cet accord. Il avait confirmé ne rien réclamer pour lui, mais demandait une « reconnaissance de culpabilité » de LVMH, ce qui n’est pas prévu dans une CJIP.

Lundi, étaient plaidés devant la cour d’appel de Paris de nouveaux recours : trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) et un recours en excès de pouvoir contre l’homologation, écrit l’ Agence France Presse .

Devant la XIVe chambre de la cour d’appel de Paris, les avocats du député insoumis ont notamment demandé à la cour d’appel de Paris de juger comme « excessif l’accord passé entre LVMH et la justice », écrit Médiapart . Concrètement, Mes Laure Heinich et Benjamin Sarfati, estiment que la CJIP viole plusieurs principes constitutionnels élémentaires, « à commencer par celui de l’égalité devant la loi », analyse le site d’investigation, qui avait révélé cette affaire en 2019, pour laquelle Bernard Squarcini est toujours mis en examen pour seize délits présumés.

Le ministère public a requis le rejet des QPC « irrecevables », car « adossées sur un appel irrecevable ». L’avocat général a estimé qu’elles n’étaient pas « sérieuses », cite l’AFP.

Me Jacqueline Laffont, avocate de LVMH, a abondé sur cette irrecevabilité. L’absence de recours est une disposition « très choquante pour nous avocats, mais c’est comme ça, c’est la loi », selon des propos rapportés par l’AFP. Son confrère Me Hervé Temime a dénoncé une audience de quatre heures aux allures de « tribune » sur une « question qui, en droit, ne se pose pas ».

Interrogé sur cette nouvelle procédure dans la matinée de ce mardi 10 mai 2022 sur Franceinfo , François Ruffin a déclaré que le patron du groupe LVMH Bernard Arnault« achète la police, et de l’autre côté il achète la justice ».

« Les délits commis sont prouvés, et pourtant il aura suffi de faire un chèque, a regretté l’ancien journaliste. J’espère qu’un jour la justice se réveille et que les juges se disent “la justice n’est pas à vendre !” », a-t-il poursuivi.

La décision de la cour d’appel sera connue le 31 mai.

(*) Il s’agit d’une justice transactionnelle introduite dans le code de procédure pénale par la loi Sapin 2, votée en 2016.

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Source : https://www.ouest-france.fr/societe/justice/affaire-squarcini-francois-ruffin-questionne-en-appel-un-accord-signe-par-lvmh-avec-la-justice-e7a323a4-d05c-11ec-9a5d-1e5046ed7ce7