Affaire Kelyan : en cas de disparition, les majeurs vulnérables « doivent être considérés comme des mineurs »

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Publié le 05/05/2023 04:03:00

À la disparition de Kelyan, un jeune handicapé retrouvé mort en 2021 dans un abri de toxicomanes à Paris, la police n’a pas voulu prendre le signalement de ses parents sur-le-champ, parce qu’il était majeur. Daoud Tatou, un responsable associatif qui accompagne de nombreux autistes, demande une loi pour éviter de tels ratés.

Quand ils ont poussé la porte du commissariat du XIXe arrondissement de Paris pour signaler la disparition de leur fils, un soir de juillet 2021, les parents de Kelyan se sont heurtés à un mur. En théorie, la disparition de ce jeune handicapé de 22 ans placé sous tutelle, à cause d’un retard mental important, aurait dû être jugée inquiétante. Une enquête aurait dès lors pu être ouverte sur-le-champ, et les recherches engagées dès le signalement.

Mais dans le cas de Kelyan, les policiers n’ont rien voulu savoir. Le corps du jeune homme a été retrouvé quatre jours après sa disparition, non par la police, mais par un maraudeur associatif, dans un abri de fortune de toxicomanes, à quelques centaines de mètres de son domicile. Si les fonctionnaires avaient pris son signalement au sérieux, Kelyan aurait-il pu être sauvé ?

« Trois heures de disparition équivalent à trois jours »

« La difficulté, c’est qu’aujourd’hui lorsqu’un majeur vulnérable disparaît — qu’il soit autiste, handicapé, atteint d’Alzheimer, etc. — c’est au bon vouloir de la police d’attendre ou non ce délai de 72 heures avant de se mobiliser », déplore Daoud Tatou, qui a accueilli Kelyan dans son centre d’accueil de jour médicalisé (CAJM), dans le XIXe arrondissement.

« Or, pour une personne avec un handicap mental, trois heures de disparition équivalent à trois jours », explique ce responsable au sein du Silence des justes, une association d’accueil de personnes atteintes de troubles autistiques, qui a inspiré avec Stéphane Benhamou le film « Hors Normes ».

Depuis deux ans, des travaux ont été engagés entre Claire Compagnon, la déléguée interministérielle à la stratégie autisme, le ministère de l’Intérieur et les associations. Dans ce cadre, la gendarmerie et la police ont respectivement diffusé en mars et avril 2022 une note express pour rappeler à leurs services de ne pas attendre le délai de 72 heures en cas de disparition d’un majeur présentant des troubles mentaux.

Mais Daoud Tatou demande que ce protocole soit gravé dans le marbre. « En cas de disparition, un majeur vulnérable doit être considéré, aux yeux de la loi, comme un mineur », martèle le responsable associatif.

Si elle reconnaît la nécessité de mieux former et sensibiliser policiers et gendarmes à la question, Claire Compagnon invite toutefois à la prudence. « Ce qui est compliqué, c’est la question du consentement. D’un point de vue juridique, une personne vulnérable reste titulaire de ses droits. Certains autistes sont en capacité de prendre des décisions, comme celle de disparaître. Une loi pourrait avoir des effets pervers. »

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/affaire-kelyan-en-cas-de-disparition-les-majeurs-vulnerables-doivent-etre-consideres-comme-des-mineurs-05-05-2023-REFZHAUPAVAMJBMTDIGXW4FRT4.php