« Son intention était de me violer » : l’ex-patron de l’Institut Montaigne face à son accusatrice

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Publié le 10/11/2022 19:53:59

L’ancien directeur de l’Institut Montaigne, Laurent Bigorgne, est jugé pour avoir drogué à son insu une femme avec qui il travaillait. La victime qui a témoigné assure qu’il voulait la violer, ce que nie l’accusé.

« Son intention était de me violer » : le tout-puissant patron déchu de l’Institut Montaigne Laurent Bigorgne a été confronté jeudi 10 novembre devant le tribunal de Paris aux accusations de son ex-collaboratrice Sophie Conrad mais, s’il a reconnu l’avoir droguée, il a rejeté toute intention sexuelle.

Cette « agression », selon les propres mots du prévenu de 48 ans, mêle en pleine campagne présidentielle ressorts intimes et professionnels.

Dans la nuit du 22 au 23 février dernier, Sophie Conrad dépose plainte après un dîner chez Laurent Bigorgne. L’ex-mari de sa sœur, un homme de réseaux proche du président Emmanuel Macron, est devenu son supérieur dans le cercle de réflexion libéral.

Après une demi-coupe de champagne, « il fait très chaud, les murs n’étaient plus stables ». Elle prévient une proche amie : « Je suis chez Laurent, j’ai l’impression qu’il m’a droguée. » Pendant trente minutes « léthargiques », Sophie Conrad reçoit appels et messages affolés de son amie, qui la décide à partir.

Elle se rend à l’hôpital puis porte plainte, et Laurent Bigorgne est rapidement placé en garde à vue. L’expertise révèle qu’elle a avalé de la MDMA, une drogue de synthèse.

Depuis mars, la plaignante, qui dit ne plus se souvenir de ce qui s’est passé durant sa demi-heure d’absence et demande que soit poursuivie l’infraction d’administration de substance nuisible par une personne sous stupéfiants et le caractère sexuel de l’agression.

La piste a été écartée par le parquet de Paris mais le tribunal correctionnel aura la possibilité de retenir dans sa décision, prévue 8 décembre, la nouvelle infraction d’administration de substance afin de commettre une agression sexuelle.

L’avocat de Sophie Conrad, Me Arié Alimi, a vilipendé jeudi les « carences » voire l’absence d’investigations sur le sujet, la « justice patriarcale » et le traitement jugé « privilégié » de l’ex-tout puissant. « Il y a deux prévenus sur le banc : M. Bigorgne, et le ministère public. »

Le représentant du parquet de Paris a en retour balayé une « charge violente et injuste » basée sur une « construction intellectuelle ». Il a été secondé par l’avocat de Laurent Bigorgne, Me Sébastien Schapira, qui y a vu « outrances » et « fantasmes ». Sur le fond, « je suis sûr que Mme Conrad pense comme moi », a lancé le procureur : « Il n’y a pas eu de relation sexuelle. »

Pour la plaignante, veste, pantalon et chaussures vernies noirs, ce dîner vient pourtant accréditer plusieurs « alertes » antérieures sur des avances traitées par le « déni » de celui qu’elle considérait comme « son grand frère ». « Aujourd’hui, je n’ai plus vraiment aucun doute sur le fait que son intention était, hélas, sexuelle et de me violer. »

À la barre, Laurent Bigorgne, costume gris foncé, pull à coll roulé et lunettes cerclées, reconnaît d’emblée : « J’ai agressé physiquement en la droguant Sophie. » Évoquant sa « dérive grave » de consommation de cocaïne, jusqu’à « 4 grammes par jour », et un burn-out professionnel, il raconte qu’il se « (sentait) mourir, comme un noyé qui n’arrive pas à dire qu’il est en train de se noyer ».

Pourquoi droguer celle qu’il a connue alors qu’elle avait 10 ou 11 ans ? Il explique son acte « infâme, odieux et lâche » par son espoir qu’elle soit prête à parler avec lui et qu’enfin quelqu’un « entende » et « écoute » sa détresse. Mais il n’y avait selon lui aucune intention sexuelle : « Je n’ai jamais touché Sophie, je n’aurais jamais, jamais abusé d’elle. »

Ses aveux aux enquêteurs et au procès sont inscrits dans une « démarche de sincérité », a estimé son avocat Me Sébastien Schapira, qui a demandé une sanction « juste ». Laurent Bigorgne a depuis quitté l’Institut Montaigne et l’Education nationale.

Le procureur, se félicitant d’une enquête rondement menée grâce à la plainte immédiate de Sophie Conrad mais aussi aux aveux de Laurent Bigorgne, a demandé une condamnation de celui-ci à dix-huit mois de prison avec sursis et une obligation de soins.

L’affaire pourrait se poursuivre, puisque Sophie Conrad demande à des juges d’instruction d’enquêter sur la « tentative de viol » de Laurent Bigorgne et sur une « obstruction à la manifestation de la vérité » des enquêteurs parisiens.

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Source : https://www.ouest-france.fr/societe/justice/son-intention-etait-de-me-violer-l-ex-patron-de-l-institut-montaigne-face-a-son-accusatrice-57f65fa4-6126-11ed-9269-b91b4bfaa036