«On s’est sentis dépassés» : deux ans de prison avec sursis requis contre le couple qui maltraitait ses enfants

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Publié le 24/01/2023 21:33:12

Appelés, les policiers avaient découvert deux fillettes attachées à leurs chaises hautes, à l’aide de sangles serrées, en couches souillées et dans un état d’hygiène déplorable. Auditionnée, la fratrie avait raconté des années de maltraitances.

Un couple « dépassé » mais qui voulait garder ses enfants : le parquet a requis mardi deux ans de prison avec sursis probatoire à l’encontre de deux quadragénaires de Noyelles-sous-Lens (Pas-de-Calais), jugés pour des années de maltraitances sur les huit plus jeunes d’une fratrie de dix.

La procureure adjointe, Virginie Valton, a demandé à la cour d’assortir cette peine, avec sursis probatoire de deux ans, d’une obligation de soins, de justification d’une activité professionnelle, et de l’interdiction, « dans l’immédiat », d’entrer en contact avec les victimes.

« Je ne contesterai pas (…) le droit pour ces enfants de dire que pour eux, c’était la maison de l’horreur », a-t-elle lancé, reprenant un qualificatif utilisé par certains médias. Les parents n’étaient pas « des sadiques », « on est dans l’entre deux », « dans de la violence quotidienne, banalisée », a-t-elle dit.

« J’étais épuisée physiquement et mentalement »

« On s’est sentis dépassés, fatigués », a tenté d’expliquer la mère, Christine B., 40 ans, visage émacié sous ses longs cheveux blonds. « J’étais épuisée physiquement et mentalement, je n’en pouvais plus des disputes incessantes des enfants et de mon mari. »

Avec son époux, elle comparaissait libre pour « violences par ascendant » sur mineurs de moins de 15 ans, sans ITT (incapacité totale de travail), et « soustraction par un parent à ses obligations légales ». « C’était un calvaire, par moments », renchérit son conjoint, un réparateur automobile de 44 ans. « L’une ne faisait pas ses nuits », certains « se battaient », les aînés n’obéissaient pas, égrène l’homme, qui ne sait « qu’un peu » lire et écrire.

Tous deux ont contesté les violences physiques dénoncées. Des petites tapes sur les mains, des fessées, « mais des coups, jamais », assure le père.

Des fillettes attachées à leurs chaises hautes

L’un des aînés, Bryan, décrit lui « un père qui frappe », une mère « soumise », malheureuse, vivotant à l’aide des allocations familiales. Il avait lancé l’affaire fin août 2022, en appelant les services sociaux après une « bagarre de trop », déclenchant la saisie du parquet. Au domicile familial, les policiers avaient découvert deux fillettes de deux et quatre ans attachées à leurs chaises hautes, à l’aide de sangles serrées. En couches souillées, elles étaient dans un état d’hygiène déplorable.

Auditionnée, la fratrie racontera des années de maltraitances. Certains évoquent des « gifles, coups de poing », ou « de pied », la plupart relatent des violences psychologiques et de graves négligences. Le père « nous disait bâtard, fils de pute, je vais te niquer. Toujours des insultes avec des menaces », décrit un des adolescents.

Dents cariées, pathologies ou retards psychomoteurs mal pris en charge : les enfants sont « abandonnés à eux-mêmes », résume une avocate des parties civiles. « Si tu fais des enfants faut les assumer » sinon « tu les fais pas », lance, tête haute, sa sœur de 14 ans. Elle se dit heureuse d’être placée, affirme ne plus vouloir revoir ses parents.

Plusieurs signalements par le passé

Le couple avait fait l’objet de trois signalements depuis 2013, notamment via l’éducation nationale et un centre hospitalier. En 2016, entendus par la police, les parents avaient nié en bloc, l’aîné s’était rétracté et l’affaire avait été classée sans suite. « Quand vous en arrivez à attacher vos enfants, pourquoi ne pas demander de l’aide ? » interroge le président.

Au printemps 2022, le couple rencontre des assistantes sociales. Mais ils mettent en ordre leur maison avant chaque visite, dissimulent leurs difficultés. « J’avais peur qu’on me retire mes enfants. J’ai été enfant placée à l’âge de sept ans, je sais ce que c’est », se justifie la mère.

« Comment les institutions ont-elles pu être si sourdes, aveugles ? » pointe Véronique Boulay, avocate de l’association l’Enfant Bleu. Ce dossier est celui d’une « violence plus ou moins ordinaire », qu’on a « laissé s’installer », avec des « conséquences terribles » pour les victimes, a déploré Me Rodolphe Costantino pour l’association Enfance et partage.

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