« On a tous notre petit truc en plus » : négocier ou agir, l’ancien du GIGN maîtrise le sujet

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Publié le 15/05/2022 10:00:44

Ancien du GIGN, négociateur au moment des attentats terroristes, David Corona conseille désormais dans le civil. Contrôler la violence ou les émotions négatives, il connaît.

Quand il était petit, David Corona était roux et« un peu bouboule ». Dans la cour de récré, ce n’était pas toujours simple. Face aux moqueries de ses petits camarades – les enfants sont toujours charmants entre eux — il a développé deux attitudes :« Soit je prenais sur moi. Soit c’était la bagarre. »

Négocier ou frapper… Sans le savoir, une vocation était née.« Le véritable déclic, je l’ai eu à 15 ans, le 26 décembre 1994, en voyant à la télé le GIGN intervenir à Marignane pour libérer les passagers de l’Airbus pris en otage par des terroristes du Groupe islamique armé (GIA). »

Ironie de la vie, David Corona jouera des années plus tard dans le film qui raconte cette opération, L’assaut , avec Vincent Elbaz.« Pour davantage de réalisme, le metteur en scène a demandé à des membres du GIGN de jouer dans le film, j’en faisais partie. »

Car David Corona, 43 ans, est allé au bout de son rêve d’ado.« Le 24 mai 2008, le jour de mes 30 ans, après un premier échec, j’ai intégré le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale. » Un corps d’élite créé en 1974 qui, depuis, s’est illustré dans de nombreuses opérations.

N’y rentre pas qui veut.« Mon premier échec a été cuisant, j’ai été éjecté en 24 heures… » David Corona mettra six ans à se repréparer tout en grimpant au sein de la gendarmerie où il travaille déjà en parallèle. Cette fois, physiquement et mentalement, il est prêt. Et c’est préférable. Dans son livre Négocier, il raconte par le menu« tout en taisant deux ou trois trucs », l’incroyable dureté voire cruauté des épreuves infligées aux« sous-chiasses », l’élégant sobriquet désignant les candidats.

On connaissait les stages commandos, les parcours du risque avec leur lot d’épreuves physiques à faire frémir John Rambo. S’y ajoutent des simulations d’interrogatoire à la limite de la torture mentale et physique…« L’humiliation y est permanente, mais l’objectif est de préparer les gars à endurer des épreuves, à leur apprendre à connaître leurs limites. Cela pourra leur sauver la vie sur le terrain. »

David Corona a surmonté tout ça pour rejoindre l’équipe d’intervention au casting paradoxal.« Il faut des gars assez fous pour ouvrir une porte derrière laquelle un mec attend pour leur tirer dessus et assez posés et sereins pour ne pas défourailler à tout va. »

Petit à petit, David apprivoise ce métier où la mort est présente (il en parle avec un certain détachement), où la tension, les crises et l’adrénaline sont le lot quotidien. « On a tous notre petit truc en plus… Moi, quand tout part en cacahuètes, j’arrive à rester calme et à y voir clair. »

Une faculté qui va le pousser à devenir négociateur. Celui qui parle au forcené en espérant le convaincre de se rendre… Il va enchaîner les missions et sera présent le 9 janvier 2011 à Dammartin-en-Goële, ce petit village de Seine-et-Marne où se sont planqués les frères Kouachi, les tueurs de Charlie Hebdo.« Ce jour-là, on s’est fait voler la négociation. Après leur passage à l’acte, les terroristes ont souvent envie de délivrer un message. C’est notre seule petite fenêtre de dialogue avec eux. » Mais le message a été délivré avant. Un journaliste de BFM-TV a fait sonner en permanence toutes les lignes de l’imprimerie dans laquelle les frères Kouachi s’étaient réfugiés.« Ils ont fini par décrocher et une interview a été faite. Ils n’avaient donc plus besoin de nous parler. Heureusement, on a réussi à bloquer la diffusion de l’enregistrement… » Vers 17 h, les Kouachi sortiront en tirant et seront abattus par le GIGN.

S’il reconnaît et salue l’acte de bravoure du lieutenant-colonel Beltrame à Trèbes, le 23 mars 2018, David Corona s’étonne que l’officier supérieur se soit mis à la place de l’otage, une femme enceinte.« C’est contraire à toutes nos procédures. Le terroriste n’avait plus de munitions et Arnaud Beltrame est entré avec son arme de service. » Dans le corps à corps qui va opposer les deux hommes, c’est cette arme qui se retournera contre lui. Arnaud Beltrame recevra aussi un coup de poignard à la gorge et décédera de ses blessures et à l’hôpital.

Sur le Bataclan, David Corona ne cache pas sa colère sur la guerre politique des territoires et des compétences entre RAID, BRI et GIGN qui a abouti à une perte de temps pour les victimes.« Fort heureusement depuis, le schéma d’intervention a été revu… »

Aujourd’hui, David Corona a quitté le GIGN. Il met ses compétences au service de sportifs de haut niveau, de chefs d’entreprise et leur apprend à gérer le stress, les crises. À négocier avec eux-mêmes et avec les autres…

Négocier, David Corona, Grasset, 240 pages, 19 €.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/politique/defense/gendarmerie/on-a-tous-notre-petit-truc-en-plus-negocier-ou-agir-l-ancien-du-gign-maitrise-le-sujet-ba62b26c-d05a-11ec-9a5d-1e5046ed7ce7