«J’ai gardé sur moi la photo de son crâne» : le gendarme chargé de l’enquête n’oubliera jamais «la femme aux bijoux»

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Publié le 27/06/2021 11:21:09

COLD CASE. Claude Cadario était maréchal des logis chef à la Section de recherches de Versailles au moment de la découverte du squelette de l’Inconnue de Lassy (Val d’Oise) dans le Bois Alix. Aujourd’hui, il livre sa frustration et ce sentiment d’être passé si près du but.

Pendant deux ans, il a vécu avec cette affaire chevillée au corps. Claude Cadario a 37 ans lorsqu’il est saisi pour élucider l’affaire de l’Inconnue de Lassy. Il est maréchal des logis chef et fait partie du groupe homicides de la Section de recherches (SR) de Versailles (Yvelines). Comme hanté encore aujourd’hui par ce cold case, il se souvient de sa première rencontre avec celle qui sera surnommée « la femme aux bijoux » le 1er février 1994 à l’Institut médico-légal de Garches.

« Il n’y avait que des ossements et rien dans l’autopsie permettant de dire de quoi était morte cette jeune femme ». Le fait de ne pas savoir qui elle est le poursuit. Il y a cette absence d’incisives supérieures. C’est un marqueur génétique, alors pendant l’enquête, il interpelle dans la rue les gens qui en souriant dévoilaient cette particularité dentaire : « Ils me prenaient pour un malade, je leur demandais s’ils n’avaient pas une sœur disparue. »

Il traîne aussi du côté du bar du Service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD) de Rosny-sous-Bois. C’est souvent à l’heure de l’apéro que les infos circulent entre les limiers, que des rapprochements sont faits entre les enquêtes. On discute des affaires autour d’un verre. Claude Cadario écoute, livre des éléments. Mais cela ne permet de pas de faire bouger les investigations d’un iota. Il se souvient : « Mon but c’était de l’identifier. C’était un acharnement chez moi, une fixette. Je n’étais pas bien. »

Il ne confondra jamais son suspect, « le loufoque »

Quand il découvre cette histoire de réparateur de montres, vieux garçon vivant seul avec sa collection de papillons morts, il a un pressentiment. « Comme dans le film Lovely bones avec cette jeune fille morte qui crie à ses proches qu’ils côtoient son tueur. C’était comme si j’avais eu un petit ange. C’est irrationnel. En neuf années de SR, j’en ai vu, il y a toujours eu une distance de sécurité entre le crime et moi, mais là, il faut reconnaître qu’il y avait quelque chose. J’en ai rarement parlé, parce que, justement c’était irrationnel alors que j’étais considéré comme quelqu’un de cartésien. » Celui qu’il appelle encore « le loufoque » devient son suspect. A l’époque, il profite d’un instant durant lequel le réparateur de montres s’est absenté pour découper un morceau de sa ficelle servant à attacher ses rideaux et la comparer aux liens de l’inconnue.

En mars 1996, il quitte la Section de recherches de Versailles. L’ancien gendarme rembobine : « En mettant en ordre la procédure pour la clôturer, quelque chose m’avait poussé à retourner à l’IML de Garches. Il était midi et je me rappelle avoir fait un énorme forcing auprès du médecin, expert en odontologie, pour qu’il garde précieusement le dossier de l’inconnue de Lassy à portée de main, au cas où un rapprochement pourrait être fait et permettrait de relancer l’enquête. On s’entendait bien, tous les deux, et il m’avait juré de le faire. Je crois que ça m’avait apaisé. Il y avait vraiment quelque chose qui me dépassait dans cette enquête. Avec du recul, en étant objectif et critique à la fois, j’en reste persuadé. J’ai quitté la SR le 17 mars 1996 au soir, un dimanche avec une dernière saisine sur un casse à la voiture bélier. J’ai rangé mes affaires vers 23 heures. J’ai gardé la photo du crâne de l’inconnue. Je l’ai longtemps eue sur moi. On me prenait pour un fou. ».

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/val-d-oise-95/jai-garde-sur-moi-la-photo-de-son-crane-le-gendarme-charge-de-lenquete-noubliera-jamais-la-femme-aux-bijoux-de-lassy-27-06-2021-O6CCL4Q2GRBL7CGFAP5AA5RGZY.php